La communauté internationale prétend freiner la perte de biodiversité et maintenir les services rendus par les écosystèmes. Ces termes à la mode expriment-ils une nouvelle façon de concevoir la nature ? L’auteur analyse l’évolution des idées depuis le début du XXe siècle, où l’on se préoccupait de protéger la nature, jusqu’à nos jours, où il est question de gérer la biodiversité. Les bouleversements récents dans la façon dont les sciences appréhendent la nature mettent en évidence un renouvellement de paradigme. L’idée d’équilibre naturel a longtemps prévalu en écologie. Aujourd’hui, s’impose celle de changement permanent, qui appelle une réflexion éthique : comment repenser les valeurs qui fondent les relations homme-nature, sachant que la biodiversité s’inscrit dans une trajectoire ? Dans un contexte marqué par de nouveaux repères conceptuels et par l’urgence des prises de décision, les scientifiques se trouvent de plus en plus impliqués dans la mise en oeuvre de projets qui inscrivent une biodiversité «choisie» dans leurs objectifs. L’auteur ouvre la réflexion sur l’évolution qui en résulte nécessairement dans la pratique du métier de chercheur.

Normalien, Patrick Blandin est professeur du Muséum national d’histoire naturelle. Actuellement membre du département Hommes-Natures-Sociétés, il a dirigé le laboratoire d’Écologie générale, la Grande Galerie de l’évolution et le laboratoire d’Entomologie. Auteur de travaux en écologie, systématique et biogéographie d’invertébrés tropicaux, en Afrique et en Amérique du Sud, il a aussi animé des recherches interdisciplinaires sur les milieux forestiers du bassin parisien. Dans le cadre de l’Union internationale pour la conservation de la nature, il est coprésident du Biosphère Ethics Project, destiné à doter l’Union, en 2010, d’un nouveau référentiel éthique.

Pour situer mon propos, je me référerai à deux événements internationaux concernant le devenir de la vie sur notre planète. Le premier, c’est l’objectif que s’est fixé la communauté inter­nationale au sommet de Johannesburg en 2002 : réduire de façon significative la perte de biodiversité à l’horizon 2010. L’Union européenne, encore plus ambitieuse, a pris l’engagement d’arrêter, à cette échéance, la perte de biodiversité, objectif repris dans la Stratégie nationale française pour la biodiversité. Le second événement, c’est le lancement par les Nations Unies du Millenium Ecosystems Assessment. Constatant les transfor­mations subies par les écosystèmes et s’interrogeant pour savoir s’ils vont continuer de rendre les services qu’elle attend d’eux, la communauté internationale a promu une évaluation de tous les types de systèmes écologiques, opération qui a mobilisé un grand nombre d’experts.

Devenir de la biodiversité, devenir des écosystèmes. Il s’agit d’une problématique politique et planétaire qui concerne au premier chef la communauté scientifique. Celle-ci est en effet appelée à mieux comprendre la dynamique de la biosphère pour aider les sociétés à intervenir dans une perspective, non seule­ment de maintien, mais, mieux, d’amélioration du «bien-être humain». En amont, il est évidemment utile, et même indispen­sable, de réfléchir aux façons dont se conçoivent aujourd’hui les relations «homme-nature».